Burkina : RSP, le chien enragé à abattre

3 juillet 2015

Burkina : RSP, le chien enragé à abattre

Source: www.dnfburkina.com
Source: www.dnfburkina.com

 « Si vous abattez votre chien au prétexte qu’il est méchant, c’est la chèvre du voisin qui vous mordra ». C’est l’aphorisme qu’a employé le premier ministre Yacouba Isaac Zida, le 12 juin 2015 devant le Conseil national de la transition (CNT), pour justifier la non-dissolution du régiment de sécurité présidentielle (RSP).

Cette position est en réalité une volte-face suite à la contestation de ses compagnons qui, armes au poing, ont interrompu fin décembre et début février le Conseil des ministres, provoquant des blocages au sommet de l’Etat.

La nouvelle crise militaropolitique qui secoue le Burkina Faso en ce moment relance le sempiternel débat sur l’avenir du RSP, ce corps d’élite créé par Blaise Compaoré en 1995. En effet, des tirs ont retenti dans la nuit du 29 juin dans la caserne Naaba Koom, fief du RSP, près du palais de Kosyam. Ces remous font suite à l’interpellation et à l’audition par la gendarmerie du chef de corps du régiment, le lieutenant-colonel Céleste Coulibaly, ainsi que de deux autres officiers, sur une supposée tentative d’arrestation du premier ministre Zida par le RSP à son retour de Taïwan. Dans la matinée du 30 juin 2015, quelques quatre stations de radios privées ont reçu la visite d’éléments du régiment arguant de détournements de fonds, clamant leur innocence dans les crimes de sang imputés à leur corps et menaçant d’agir.

Suite aux appels et aux marches de la société civile pour la dissolution de ce régiment, le président Michel Kafando avait mis en place une commission, dite de « réflexion sur la restructuration du régiment de sécurité présidentielle (RSP) ». Si la dénomination d’une telle commission est problématique, c’est davantage sa composition qui soulève des interrogations sur les réelles motivations des autorités de la transition. En effet, cette orientation de la mission de la commission, d’emblée centrée sur la restructuration du régiment, sonne comme un parti pris, une démarche dirigiste, mue par une volonté de ménager une armée dont l’ire peut provoquer des tensions sociopolitiques. La désignation du général Gilbert Diendéré, l’ancien patron du RSP, à la tête de la commission conforte davantage cette idée. Ce jeu d’équilibriste de la part des autorités de la transition vise à calmer les ardeurs des uns et des autres et finalement à refiler la patate chaude au prochain président démocratiquement élu.

Sans surprise, les conclusions de la commission, à la fois juge et partie, sont dépourvues de toute impartialité. Les six missions du RSP sont maintenues en l’état, à l’exception de la mission 2, « Assurer la sécurité du chef de l’Etat et de toute autre personne par lui désignée ». Celle-ci est désormais réduite à la seule protection du chef de l’Etat comme institution de la République. Des trois hypothèses émises, dont deux se rapportent au maintien du RSP, la commission conclut à la nécessité de conserver ce corps.

En réalité, le rapport de la commission n’est rien d’autre qu’une récrimination en règle contre les détracteurs du RSP. Alors que tous les griefs formulés à l’encontre de ce corps d’élite sont balayés du revers de la main, les avantages à son maintien font l’objet d’une longue litanie. Ce maintien devrait s’accompagner de mesures complémentaires comme le changement de dénomination – pouvant se résumer en un groupement spécial d’intervention rapide. Sont avancés comme arguments, l’élitisme de ce corps spécial capable de faire face à la menace terroriste et à la criminalité transfrontalière, mais aussi son expertise opérationnelle dans la protection des institutions républicaines.

Parlant justement de la protection des institutions de la République, le RSP semble en avoir une compréhension biaisée ou faire preuve d’une amnésie insultante. Qui, durant la mutinerie de 2011, avait contraint le président Compaoré à fuir son palais le 14 avril pour se réfugier à Ziniaré, et incendié, à l’occasion le domicile du chef d’état-major particulier de la présidence du Faso d’alors, Gilbert Diendéré? Qui avait le 30 décembre 2014 et le 4 février 2015 empêché la tenue du Conseil des ministres, contraint le premier ministre Zida à trouver refuge et conseil auprès du Mogho Naaba et imposé la nomination d’anciens proches de Compaoré ? Qui encore en cette fin de mois de juin 2015 paralyse, une fois de plus, la bonne marche de la transition ?

Cette posture du RSP, jouant la carte de l’auto-victimisation, de la stigmatisation et du complot, relève d’une basse imposture. Avec ses innombrables injonctions, ses provocations à outrance, cette garde prétorienne est devenue au fil du temps une hydre dont il faut se débarrasser. Elle démontre à suffisance que son penchant belliqueux constitue une bombe qui peut exploser à tout moment et détruire la stabilité sociopolitique et les acquis démocratiques du pays.

Aujourd’hui, la seule option qui vaille, c’est la démilitarisation du pouvoir. Le chien censé protéger le maître s’est enragé et en lieu et place d’aboyer au danger s’est retourné, dans sa rage, contre les enfants du maître. Ce chien, il nous faut l’abattre vaille que vaille, sans hésitation, sans plus attendre.

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